Nuutania – Retour sur le “coup de tonnerre” de 1978

Jacques Vernaudon et Marie Salaün ont co-écrit Amo i te utu’a – Porter sa peine – la prison en Polynésie française avec la collaboration avec Mirose Paia. (Photo : DB/LDT)
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Marie Salaün, anthropologue et professeure d’université, donnera une conférence ce mercredi 18 octobre sur la mutinerie qui a eu lieu en 1978 à la prison de Nuutania. Lors de son séjour à Tahiti, elle présentera également l’ouvrage intitulé Amo i te utu’a – Porter sa peine – la prison en Polynésie française co-écrit avec Jacques Vernaudon et paru chez Au Vent des îles. 

“Un réveil brutal sur la prison et la société”

La conférence proposée par l’anthropologue Marie Salaün ce jeudi 18 octobre s’intitule Anatomie d’une mutinerie, Nuutania le 14 janvier 1978. Elle reviendra non pas sur le déroulé de “ce coup de tonnerre”, mais sur les causes qui peuvent l’expliquer, sur tout ce qui a rendu cette mutinerie possible. Elle a été “une gifle”,  “un réveil brutal sur la prison et la société”. C’était “un impensé”. En effet, qu’un Polynésien tue un autre Polynésien dans l’exercice de ses fonctions était “quelque chose d’insupportable, de décalé par rapport à ce que les gens pensaient d’eux-mêmes”. 

Selon Marie Salaûn, la mutinerie est un événement “traumatique dans la corporation des surveillants”. Elle a invité ceux qui l’ont vécue à venir l’écouter et échanger. “Je ne suis pas là pour donner mon point de vue. Je tiens à ouvrir une boîte à outils et j’espère à ce titre que cette conférence sera la plus dialogique possible, qu’une discussion s’installera.” Elle donnera les points de vue de l’État, du territoire, de l’administration pénitentiaire, des syndicats de surveillants… “Il ne me manque que celui des prisonniers.” Son travail de recherche n’est donc pas terminé.

L’histoire de l’enfermement

Cette conférence s’inscrit dans une étude au long court. Marie Salaün a répondu à l’appel blanc des missions de recherches droit et justice du ministère de la Justice, demandant un budget pour travailler sur l’histoire de l’enfermement en Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Elle s’est chargée de la partie polynésienne, laissant à sa collègue Christine Salomon le soin de s’occuper de la Nouvelle-Calédonie. “Mais nous n’avons cessé de faire des comparaisons permanentes pour faire émerger les spécificités.”

Au cours de ses travaux, Marie Salaün a déroulé le fil de l’histoire. Elle s’est intéressée à la mutinerie en fouillant les archives, et en interrogeant les protagonistes. “Heureusement, j’avais pu consulter les documents du service des archives polynésien avant qu’ils ne soient plus accessibles aux chercheurs”, souligne-t-elle au passage. Elle attend beaucoup de la conférence pour explorer de nouvelles pistes. 

À la rencontre des détenus

Marie Salaün profite de son séjour pour présenter aussi le livre Amo i te utu’a – Porter sa peine – la prison en Polynésie française qui vient de paraître chez Au Vent des îles. Cet ouvrage est le fruit d’enquêtes menées dans le cadre d’un appel à projet de l’administration pénitentiaire lancé en 2019.  “Dans le monde, les pays qui reconnaissent les droits autochtones montent des programmes pour adapter les conditions de détention à la réalité culturelle et linguistique des territoires. La France ne reconnaît pas les droits autochtones mais ne peut, pour autant, s’extraire de ce débat.” 

Le trio est allé à la rencontre de treize détenus, hommes et femmes, incarcérés à Nuutania et Tatutu pendant deux mois. Ils se sont aussi entretenus avec les surveillants et conseillers d’insertion et de probation, les familles des détenus Ils ont remis leur rapport récemment. Le livre reprend une partie de ce rapport, il témoigne du quotidien. “Il vise à ouvrir une boîte noire.” Il existe de nombreux fantasmes et idées reçues associés aux lieux de privation de liberté. “J’espère qu’en montrant comment ces hommes et ces femmes vivent leur incarcération les lecteurs sauront se mettre à leur place.”

Le livre sera remis aux détenus interrogés. “C’est une manière de les remercier, de leur montrer que ça vaut le coup.” Il sera présenté au Salon du livre. Dédicaces le samedi 21 de 10h30 à 11h30 et le dimanche 22 de 10h à 11h au stand de la maison d’édition. 

Pratique

Conférence Savoirs pour tous, amphithéâtre A3 à l’université de la Polynésie française ce mercredi 18 octobre de 17h30 à 19 heures. Entrée libre.