CPS – La chambre des comptes critique la gestion des ressources humaines

La Chambre a formulé 13 recommandations. Les directeurs en fonction de 2020 à 2023 ont indiqué en réponse aux observations provisoires que "les problèmes observés en matière de gestion des ressources humaines pourraient notamment être liés "aux pressions exercées par les syndicats". (Photo archives LDT)
La Chambre a formulé 13 recommandations. Les directeurs en fonction de 2020 à 2023 ont indiqué en réponse aux observations provisoires que "les problèmes observés en matière de gestion des ressources humaines pourraient notamment être liés "aux pressions exercées par les syndicats". (Photo archives LDT)
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La Chambre territoriale des comptes (CTC) a inscrit à son programme annuel de contrôle 2022 la gestion des ressources humaines de la Caisse de prévoyance sociale (CPS) depuis 2017. Alors que la gouvernance de la Caisse a été revue par la loi du Pays du 23 mai 2022, la juridicton explique que “le pilotage est mis à mal notamment du fait d’une succession accélérée de directeurs généraux depuis 2017.”

La mission de service public confiée à la CPS ainsi que sa dimension (500 salariés, 2,8 milliards de francs de masse salariale en 2021), lui imposent de garantir “un haut degré d’exigence sur trois aspects principalement : transparence du pilotage et des procédures, rigueur de gestion, et efficacité des pratiques professionnelles et des contrôles internes.”

“Si le personnel de la Caisse est régi par le droit du travail privé et dépend donc du code du travail adopté en 1991, son statut interne est antérieur. Les tentatives répétées de modernisation ont échoué, rendant la convention d’entreprise de 1986 obsolète depuis longtemps” écrivent les magistrats dans leur rapport. “Seul un compromis sur la grille des salaires est trouvé chaque année, et un dispositif provisoire et partiel visant à aménager sur trois années certaines dispositions de la convention a été adopté en 2017.

Appréhension difficile des objectifs stratégiques

La Chambre n’a pas été en mesure d’identifier la date d’enregistrement du règlement intérieur, “document obligatoire placé sous la seule responsabilité de la direction”. Un manque de rigueur dans l’administration des ressources humaines qui n’est pas un cas isolé selon la CTC qui dénonce des règles de ressources humaines “difficilement lisibles”, source d’insécurité juridique.

Ces textes, malgré leur multitude, sont incomplets, “des aspects essentiels comme les procédures de recrutement ne sont pas suffisamment formalisés”. Par ailleurs, “des outils standards sont absents”, tels que le dispositif automatisé de mesure du temps de travail, “ou mal coordonnés”, comme la chaîne de la paie.

Selon la CTC, ces défauts dans l’organisation ont pu “fragiliser la CPS” face à la succession accélérée des directeurs généraux. Il en a résulté notamment “une appréhension difficile des objectifs stratégiques” pour la Chambre.

La survenue de la pandémie en mars 2020, qui a donné lieu à la production d’une convention d’effort et de solidarité, a mis à mal le fonctionnement interne de la CPS. Selon la CTC, “l’affirmation d’une culture managériale cohérente et forte au sein de tous les effectifs de la CPS rencontre des difficultés, malgré les efforts observés de la part des cadres et des agents.”

Afin de développe une culture de la performance, la CPS est invitée à doter systématiquement les supports de pilotage “d’objectifs pluriannuels accompagnés d’indicateurs spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes, et temporels, sans oublier la désignation de chefs de file pour chacun d’entre eux.”

La CTC note que les primes portent davantage sur des objectifs de moyens que de résultats. La Caisse a versé à ses salariés en moyenne chaque année entre 2017 et 2021 inclus un total de 300 millions de francs de primes et indemnités. Près des 67 % de cette masse correspondent au versement de la prime d’assiduité, contre 6,7 % pour la prime d’objectifs, un équilibre “à reconsidérer” selon la juridiction.

La CPS a massivement embauché entre 2017 et 2021, avec 191 recrutements, contre 146 départs. La cause de ce renouvellement élevé des effectifs (38 %) est due principalement à la remise en cause du programme de réduction des effectifs que la CPS avait engagé entre 2010 et 2016 (- 8,3 %), et la mise sur pied en 2017 d’un plan conventionnel de départ à la retraite.

La direction renvoie vers les syndicats !

“Ce dispositif a consisté en la hausse de la prime à 12 mois de salaires au total alors qu’elle est fixée initialement par la convention d’entreprise à cinq mois” explique la CTC, qui précise que 94 agents ont bénéficié de cette surprime, pour un coût direct estimé à 352 millions de francs, auxquels doivent être ajoutées les indemnités compensatrices de congés payés (72,3 MF), soit une moyenne individuelle de 4,5 millions de francs.

“Or, il n’est pas certain que les départs à la retraite n’auraient pas été moins nombreux sans les surprimes proposées, compte tenu du calendrier des réformes gouvernementales de la retraite” soulignent les magistrats qui estiment que la Caisse s’est aussi “empêchée d’obtenir les gains de productivité attendus”.

Un constat qui “renforce l’attention que devrait porter la CPS sur le coût unitaire du travail, la fluidité du management, l’adoption d’un véritable plan stratégique RH, et le déploiement complet des
outils de la gestion prévisionnelle des ressources humaines sous tous ses aspects”
écrit la CTC.

La Chambre a formulé 13 recommandations. Les directeurs en fonction de 2020 à 2023 ont indiqué en réponse aux observations provisoires que “les problèmes observés en matière de gestion des ressources humaines pourraient notamment être liés aux pressions exercées par les syndicats”.

Plusieurs projets ont cependant été menés dans le cadre du projet d’entreprise 2021-2023, notamment l’accord sur le télétravail, la charte d’utilisation des systèmes d’information, le code de déontologie, le don de congés, la refonte des évaluations et la définition des métiers.

Les 13 recommandations de la Chambre territoriale des comptes


Recommandation n°1 : adopter, à partir de 2024, une nouvelle convention d’entreprise.

Recommandation n°2 : rédiger, dès 2023, un nouveau règlement intérieur.

Recommandation n°3 : présenter, dès 2023, en conseil d’administration des indicateurs RH
pluriannuels pertinents et pérennes, dont la masse salariale.

Recommandation n°4 : élaborer et appliquer, dès 2023, un plan stratégique RH pluriannuel
dotés d’indicateurs de suivi de type SMART.

Recommandation n°5 : définir et appliquer, dès 2023, un cahier complet des procédures, qu’il
conviendra de mettre à jour régulièrement.

Recommandation n°6 : systématiser, dès 2023, les démarches de contrôle de gestion et de
contrôle interne.

Recommandation n°7 : élaborer et appliquer, dès 2023, une nomenclature commune entre la
DRH et l’agence comptable concernant les pièces justificatives de la dépense en matière de
paie.

Recommandation n°8 : adresser, dès 2023, à la collectivité de la Polynésie française une
demande formelle afin qu’elle instaure dans la règlementation locale les éléments de garantie
d’indépendance des membres du contrôle médical, y compris la nomination en conseil des
ministres du médecin-chef.

Recommandation n°9 : rédiger, dès 2023, les fiches de postes et un référentiel unique des
emplois et des métiers.

Recommandation n°10 : publier, dès 2023, des prévisions pluriannuelles des effectifs en
distinguant les emplois budgétaires des emplois pourvus.

Recommandation n°11 : mettre en place, dès 2023, une stratégie interne d’égalité
professionnelle réelle et de prévention des situations de violences genrées.

Recommandation n°12 : rédiger et publier, dès 2023, une procédure écrite en matière de
recrutement accessible aux candidats internes et externes, en y précisant notamment les
conditions de reprise d’ancienneté.

Recommandation n°13 : rendre compte, dès 2023, de la démarche GPRH dans le cadre d’un
rapport annuel à présenter au comité d’entreprise et au conseil d’administration.

Un vrai problème de productivité !

• La Chambre a constaté dans ses deux précédents rapports relatifs à la CPS qu’elle a publiés en 2022, un portage interne insuffisant du projet de dématérialisation au cours de la dernière décennie. “Ce relatif attentisme a contrarié le mouvement de modernisation de la Caisse.” Pour rappel, 59 % de ses agents effectuent à titre principal des tâches de saisie manuelle ou de scanner de pièces papiers produites par les assurés et par les professionnels de santé, et la présence de 568 types de documents papier. “Ces retards importants de la digitalisation des services et de la simplification des
procédures internes constituent un obstacle majeur à tout projet d’amélioration de la productivité
“. estime la CTC.

Quand la CPS n’assume pas ses salaires…

• La direction de la CPS a formulé le vœu que ne soit pas publiée dans le rapport la grille salariale de la Caisse, au motif que cela pourrait “renforcer les tensions que son personnel a déjà à subir de la part des assurés, et qu’il s’agit d’une entreprise privée, qui n’est pas concernée par un devoir de transparence comme les personnes de droit public”.
La Chambre territoriale des comptes rappelle que la Caisse est investie d’une mission de service
public de par les textes constitutifs; et “qu’au contraire, une ouverture de la donnée RH dans son
cas pourrait participer à l’amélioration de ses relations à 360 ° : en interne auprès de tous ses
salariés, en externe, vis-à-vis de la population et des professionnels, qui sont à la fois
bénéficiaires et financeurs de la PSG, ainsi que des élus du Pays, en droit de connaître les
éléments de gestion de l’organisme local, dont la GRH.”