Tiare Tahiti : le Laboratoire de Cosmétologie veut faire fleurir la filière

Matinée information Tiare Tahiti Papara
Vingt-cinq personnes ont participé aux échanges lors de la matinée de vendredi, qui affichait complet (Photo : ACL/LDT).
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C’est l’emblème par excellence de la Polynésie. Pourtant, la demande en Tiare Tahiti dépasse l’offre, tant dans le secteur touristique qu’industriel, sans oublier les particuliers. Cet enjeu de dynamisation de la filière a fait l’objet d’une matinée d’information organisée par le Laboratoire de Cosmétologie du Pacifique Sud (LCPS), vendredi 23 juin 2023, dans les locaux de l’entreprise, à Papara.

Vingt-cinq personnes, principalement originaires du sud de Tahiti et des îles, dont Taha’a, étaient au rendez-vous avec des profils professionnels variés, agriculteurs ou non. Beaucoup avaient en commun des terres inexploitées et l’envie de se lancer dans une activité professionnelle complémentaire, dans un élan de retour aux sources.

Trois fois plus de fleurs pour un nouveau projet

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Visite des installations de production de mono’i.

Accompagné par son équipe, le directeur général de l’entreprise et docteur en pharmacie Olivier Touboul a présenté les modalités d’optimisation de la culture biologique du Gardenia taitensis, entre luminosité, chaleur et humidité, qualité du sol et apport en eau, via l’irrigation individuelle souterraine, également exploitable pour d’éventuels apports nutritifs.

La démarche est qualitative, mais aussi quantitative : entre 1995 et 2012, la surface cultivable en Tiare Tahiti a diminué de 19 %. Et la situation ne s’est pas amélioré depuis. Avec une production de plus de 200 tonnes de mono’i par an nécessitant 3 à 4 millions de fleurs, le LCPS est constamment à la recherche de fournisseurs. D’autant qu’une nouvelle activité va porter les besoins à 12 millions de fleurs pour l’année à venir, pour commencer : la production de concrète de Tiare Tahiti, une sorte de cire très odorante utilisée dans la parfumerie. “Nos besoins vont tripler. Il va nous falloir une quantité astronomique de fleurs. Il manque 15 hectares de Tiare Tahiti, et pas que pour nous”, a annoncé Olivier Touboul à l’approche de la haute saison, de septembre à février.

Des difficultés à surmonter

Parmi les difficultés à surmonter pour se lancer : l’accès aux aides agricoles et l’approvisionnement en plants, qui n’est pas à la hauteur de la demande, tout en sachant qu’un pied de Tiare Tahiti est à pleine maturité 3 à 5 ans après sa mise en terre. Les coûts d’investissement et de rentabilité ont été abordés pour permettre aux potentiels exploitants de se projeter sur la base du modèle de 1,6 hectares et 1.400 pieds mis en œuvre par le LCPS. Plusieurs exemples ont ensuite été présentés selon le mode de gestion envisagé (locataire, propriétaire, salariés ou non).

Tout au long de la rencontre, qui s’est achevée par une visite des installations de transformation, les questions ont été nombreuses. Pour l’anecdote, Papara est une des communes où il y a le plus de champs de Tiare Tahiti.

Olivier Touboul, directeur général du Laboratoire de Cosmétologie du Pacifique Sud :

“Garantir et sécuriser l’approvisionnement”

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Quel est l’objectif de ces rencontres ?

“C’est une démarche qui remonte à plusieurs années, qui nous a conduit à lancer notre propre exploitation de Tiare Tahiti en 2015, Fenua Hotu, la seule certifiée bio Ecocert, à 300 mètres de l’usine, parce qu’on constatait déjà la disparition de certains de nos fournisseurs. Vu que ce modèle fonctionne, on s’est dit qu’on allait le partager pour inciter les gens à se lancer. Les porteurs de projet rencontrent souvent les mêmes freins et ils sont en recherche de leviers. L’idée, c’est de trouver des solutions collectives, et pourquoi pas, à terme, solliciter le Pays. Si demain, on ne fait pas quelque chose pour garantir et sécuriser l’approvisionnement de cette plante, que va-t-on faire des consommateurs en bout de chaîne, aux États-Unis, en France ou ailleurs, qui utilisent des produits à base de Tiare Tahiti ? C’est un problème pour les producteurs comme nous, mais aussi pour les professionnels de l’industrie touristique, qui ont besoin de cette fleur pour l’accueil. C’est quand même l’emblème de la Polynésie !”.

Ça pourrait être une belle opportunité pour les îles ?

“Pour notre projet de parfumerie, la fraîcheur des fleurs est un paramètre très important, donc pour l’instant, on se concentre sur des fleurs cultivées à Tahiti. Pour le mono’i, l’appellation d’origine nous oblige actuellement à utiliser une fleur dans les 24 heures après sa cueillette : ça pose problème et ça va peut-être évoluer, parce que ça ne favorise pas du tout les îles. On est en train d’y réfléchir, en sachant que les coûts de transport doivent aussi être pris en compte”.

Est-ce que le tarif d’achat des fleurs est attractif pour les cultivateurs ?

“Le kilo de fleurs est à 2.000 ou 2.200 francs, soit entre 3 et 6 francs la fleur selon l’acheteur, industriel ou particulier, en raison des volumes. Dans notre démarche UEBT (Union for Ethical Bio Trade, ndlr), on est en train de mener un calcul des coûts avec les producteurs pour revaloriser, si nécessaire, le prix de la fleur ou du kilo de fleurs, en fonction des données collectées. On essaie par exemple d’estimer le temps qu’ils passent dans leur fa’a’apu pour voir si ça répond au minimum requis pour vivre et avoir un certain confort. Les premiers résultats de l’équipe qui travaille sur ce sujet sont attendus d’ici début août”.

Teddy Teng, agriculteur à Papara :

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“Se lancer pour compléter”

“Avec mes parents, notre exploitation se situe sur les hauteurs de Papara. Nous cultivons des agrumes et d’autres fruits, comme des bananes et des fe’i. La Tiare Tahiti, c’est un produit phare de notre Polynésie. Je pense qu’elle peut égaler la vanille. Nous avons de l’espace sur notre terrain et on envisage de se lancer. Cette rencontre m’a rassuré, car on voit que la filière peut prendre de l’ampleur et qu’on peut être accompagné dans cette optique. Nous avons déjà des pieds de Tiare Taina, donc pourquoi pas des Tiare Tahiti pour compléter ?”.

Kalita Tcheou, résidente de Mataiea :

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“Il y a beaucoup de demande”

“J’étais cuisinière, mais j’ai eu envie de changer de métier, donc j’aimerais me lancer dans la plantation de Tiare Tahiti. J’ai pu constater qu’il y a beaucoup de demande, ne serait-ce que des particuliers qui cherchent des couronnes pour des mariages ou des décès. Le laboratoire a aussi besoin d’énormément de fleurs. J’aimerais commencer par 200 ou 300 pieds, donc je vais frapper à toutes les portes pour avoir plus d’informations sur les aides envisageables. Je suis motivée, au lieu de rester à la maison, surtout que notre commune est une terre agricole”.

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Pratique

Une première session d’information s’était tenue en novembre dernier. Face à l’engouement du public pour la rencontre de vendredi, deux rendez-vous supplémentaires ont été ajoutés, lundi 26 juin, qui affiche déjà complet, et mardi 27 juin.

Gratuit, sur réservation (40 54 78 54 ou info-tahiti@pacifiquesud.com).

Plus d’infos sur la page Facebook du Laboratoire de Cosmétologie du Pacifique Sud.