Coupe du monde de rugby : l’ovalie à la fête au fenua

Pour ce premier match de coupe du monde, entre la France et la Nouvelle-Zélande, plus que la victoire ou la défaite, c'est la fête et le partage qui priment avant tout. (Photo : SB/LDT)
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La dixième coupe du monde de rugby à XV a débuté ce vendredi 8 septembre, en France. Le XV de l’équipe nationale a d’ailleurs fait une entrée remarquée, en s’imposant face aux All Blacks, 27 à 13. La compétition, dont le vainqueur se verra remettre la coupe William Webb Ellis, le 28 octobre prochain, met en effervescence le monde entier. La Polynésie française ne fait pas exception à la règle. Hôtels, bars…, les aficionados du ballon ovale s’étaient donnés rendez-vous dès 9 heures, voir un peu plus tôt, pour assister au choc des titans.

Pour ce premier match entre les Bleus et les All Blacks, la fédération polynésienne de rugby avait mis les petits plats dans les grands. Une heure et demi avant le coup d’envoi des festivités rugbystiques, la fédération, dans le cadre du projet “Aito Rugby 2027”, organisait un séminaire, en présence d’acteurs économiques et sportifs du territoire, dans un hôtel de la place. Teiva Jacquelain, joueur de rugby à XV et rugby à sept du fenua, et évoluant au haut niveau, était présent.

Au programme de ce pré-match, une intervention du professeur Jacques Forest. Ce dernier, professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), psychologue et conseiller en ressources humaines agréé a été impliqué avec l’équipe féminine canadienne de ski acrobatique aux Jeux olympiques de Sotchi, en 2014, et a contribué au succès du Canada sur la scène internationale sportive.

La conférence terminée, place était faite au rugby, avec la diffusion du match sur écran géant. Gilles Lafitte, directeur technique fédéral de la fédération polynésienne de rugby, assurait ensuite un débriefing de la rencontre. La matinée se concluait enfin par une présentation du projet “Aito Rugby 2027”.

Rivalité sur le terrain, camaraderie et fête dans les bars

Ambiance studieuse pour les uns, place à la fête, aux cris et aux rires pour les autres. Comme pour chaque grande compétition, les bars de la ville se sont également remplis pour cette première journée du tournoi, surtout avec une telle affiche. Décalage horaire oblige, on célèbre le sport, le rugby aujourd’hui, dès le matin. C’est nombreux, que les supporters des deux équipes se sont réunis dans les différents bars de la ville.

Pro France, pro All-Blacks, tous veulent d’abord partager un bon moment, en y allant de son petit commentaire et pronostic. Comme pour Dan et Chai-Li qui voient les All Blacks vainqueurs. La défaite future de leur équipe ne viendra pas gâcher la fête. Et les femmes ne sont pas en reste en matière de rugby.

Maeva, par exemple, est venue ce matin soutenir les Français. Elle s’intéresse au rugby depuis déjà quelques temps. Elle vient pour le jeu, mais aussi pour les joueurs, s’amuse t-elle. Alors qu’il reste encore une vingtaine de minutes de jeu, pour elle il ne fait aucun doute, la France va gagner. L’avenir lui donnera raison. Maeva voit même une finale France-Angleterre.

Antonia, quand à elle, est arrivée de Nouvelle-Zélande ce matin à 3 heures. Pour celle qui visite famille et amis au fenua, pour quelques semaines, il était impossible de ne pas voir le match, malgré le peu d’heures de sommeil. Festive et enjouée, elle voit son équipe arriver en finale, malgré la défaite du jour.

Teiva Jacquelain, fierté du rugby “made in fenua”

Teiva Jacquelain : “Les sacrifices et le travail ? Impossible de passer à côté. Je suis parti de rien mais j’avais faim! Je suis allé chercher ce que je voulais! (…) Je serais très fier de voir d’autres jeunes suivre mon chemin.” (Photo : SB/LDT)

Teiva est un joueur de rugby à XV et à sept. Formé au RC Pirae, il quitte le fenua pour le RC Toulon, en 2015, où il peaufinera ses armes. Evoluant au poste d’ailier, il quitte le Var pour l’Isère. En 2017, direction le FC Grenoble RC Rugby, en Pro D2, club dans lequel il commence sa carrière professionnelle.

Il découvre, avec Grenoble, le Top 14, lors de la saison 2018-2019. Prêté à Mont-de-Marsan en 2019, il y restera deux ans, avant de rejoindre l’Aviron Bayonnais en 2021. Le club accède au Top 14 à la fin de la saison 2021/2022. En décembre 2022, lors d’un match contre les Scarlets, en Challenge Cup, Teiva est victime d’une entorse grave et d’une rupture du ligament croisé antérieur du genou.

Sa saison est terminée et le club basque annonce qu’il ne le conservera pas dans ses effectifs pour la saison prochaine.

De retour à Tahiti et en convalescence, Teiva explique aujourd’hui, être en recherche d’un futur club. Mais pour le prodige de l’ovalie du fenua, priorité pour le moment est donné à sa famille. Le jeune homme vient d’être papa d’une petite fille et veut se consacrer à ses proches.

Le retour aux sources, lui permet aussi, explique t-il, de se tourner vers les jeunes de Polynésie française et de faire la promotion de son sport via, entre autres, le projet “Aito Rugby 2027”. Il est aussi conscient que son image de joueur professionnel peut beaucoup apporter.

Pour Teiva, ce qui est important c’est de soutenir la jeunesse à persévérer dans ce qu’elle aime et aussi de transmettre son expérience. Il est clair sur cela : “Les sacrifices et le travail? Impossible de passer à côté. Je suis parti de rien mais j’avais faim! Je suis allé chercher ce que je voulais! (…) Je serais très fier de voir d’autres jeunes suivre mon chemin.”

Jacques Forest, spécialiste de la théorie de l’autodétermination 

Photo : SB/LDT

Celui, qui en est à sa troisième visite sur le territoire, a pour spécialité la théorie de l’autodétermination. Il explique que celle-ci vise à comprendre les antécédents et les conséquences des motivations qui animent les sportifs, les travailleurs, les êtres humains en général.  “Il y a trois vitamines psychologiques qui sont importantes pour tout le monde, partout et tout le temps : la satisfaction des besoins d’autonomie, de compétence et d’affiliation (…) Il y a trois faisceaux d’actions possibles et qui sont transposables en sport et dans le travail : les tâches que l’ont fait, les relations interpersonnelles que l’on vit et un contexte de travail. La théorie de l’autodétermination dit : il ne faut pas aller “ni dans le contrôle, ni dans le laisser faire”. Il faut mettre en avant une structure expliquée pour que cela soit librement accepté. C’est ça, l’autonomie.”