France – 1er mai : une recrudescence des violences qui laissera des traces

Quelque 540 personnes ont été interpellées lundi en France, dont 305 pour la seule mobilisation parisienne. Et 406 policiers et gendarmes ont été blessés, dont 259 à Paris où 31 d'entre eux ont été hospitalisés.
Quelque 540 personnes ont été interpellées lundi en France, dont 305 pour la seule mobilisation parisienne. Et 406 policiers et gendarmes ont été blessés, dont 259 à Paris où 31 d'entre eux ont été hospitalisés. (Photo : AFP)
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Les défilés du 1er-Mai ont été marqués lundi par un regain des violences à Paris et dans plusieurs grandes villes qui, sans atteindre des niveaux record, ont laissé des traces et témoignent d’une “radicalisation” de certains manifestants.

Comme toujours, l’immense majorité des manifestants parisiens – 112.000 selon la police, 550.000 selon la CGT – a défilé dans le calme. Mais le pré-cortège, où se retrouvent casseurs, radicaux et black blocs, était particulièrement fourni à cette date symbolique.

Vêtus de noir, encagoulés, des groupes bien organisés ont affronté jusqu’à la tombée de la nuit les forces de l’ordre, causant des dégâts impressionnants et blessant, parfois gravement, des policiers.

Des violences immédiates

Lundi à Paris, les violences ont éclaté sitôt le pré-cortège parti, avec des jets de pétards, de feux d’artifice en tirs tendus et de cocktails Molotov visant les forces de l’ordre.

C’est d’ailleurs en début de manifestation qu’un CRS a reçu un cocktail Molotov, qui l’a brûlé gravement au visage. Puis les affrontements, et les multiples dégradations de vitrines, ont émaillé les quatre heures de trajet.

“En terme d’intensité et de longueur, c’était impressionnant”, a témoigné auprès de l’AFP un CRS, chef de section qui dit avoir reçu “trois pavés dans la tête” et des projectiles allant de morceaux de goudron à des boules de pétanque.

L’arrivée du pré-cortège à destination a également été ponctuée d’affrontements immédiats.

Un drame a été évité de peu: après l’impressionnant incendie d’une station de vélos en libre-service, un feu allumé au rez-de-chaussée d’un immeuble en travaux a contraint des journalistes et manifestants qui y étaient rentrés à se réfugier sur le toit pour échapper aux flammes.

“C’était tendu, organisé”

Quelque 540 personnes ont été interpellées lundi en France, dont 305 pour la seule mobilisation parisienne. Et 406 policiers et gendarmes ont été blessés, dont 259 à Paris où 31 d’entre eux ont été hospitalisés, a indiqué Gérald Darmanin sur BFMTV. Le ministre de l’Intérieur n’a pas donné de détails sur les 61 manifestants blessés en France dont 32 à Paris.

Depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites, ces chiffres ne constituent pas un record: le 23 mars, 457 personnes avaient été interpellées et 441 policiers et gendarmes blessés.

Mais sur France Info, le préfet de police de Paris Laurent Nuñez a évoqué mardi “un niveau de violence dans le pré-cortège (…) qui a dépassé largement (celui) constaté sur les douze dernières manifestations”.

Pascale Regnault-Dubois, la directrice centrale des CRS, a dit sur Europe 1 avoir vu le “noyau dur (de radicaux) sans doute le plus important” depuis le début de l’année.

“C’était tendu, organisé”, confirme le chef de section de CRS interrogé par l’AFP, pour qui “ce qui a changé, c’est le nombre” de radicaux présents dans la manifestation.

“On avait beaucoup de forces de l’ordre mobilisées, on a utilisé beaucoup de moyens intermédiaires (type grenades, etc., Ndlr) et on a eu beaucoup de blessés. Donc je m’interroge sur l’efficacité” de la stratégie des forces de l’ordre, reprend ce CRS, pour qui “une journée comme celle d’hier marque physiquement, mais aussi psychologiquement”.

“Je vous le dis, j’ai eu peur”, a témoigné sur France Info le sénateur socialiste Jérôme Durain, qui suivait en observateur une brigade de la Brav à pied, évoquant un nombre “hallucinant” de projectiles ramassés.

Une “radicalisation” ?

Si Elisabeth Borne a estimé mardi devant l’Assemblée qu’un “nouveau palier avait été franchi” dans la violence, Gérald Darmanin a lui affirmé que “cela fait plusieurs années que les choses sont ainsi”.

Un autre membre d’une compagnie d’intervention affirme que la violence vue lundi n’a pas atteint “le niveau des Gilets jaunes”.

Parallèlement, les forces de l’ordre sont accusées de réactions disproportionnées qui alimentent la colère de nombreux manifestants.

Selon Thierry Vincent, auteur du livre “Dans la tête des blacks blocs”, “un phénomène presque plus important” que les black blocs est aujourd’hui le poids du pré-cortège, où se retrouvent les manifestants défilant hors du cadre syndical. Sans être violents, ceux-ci – environ 20.000 estimés lundi – montrent “une certaine radicalité ou même un soutien, au minimum une compréhension” de la violence tout en gênant les interventions policières.

“Il y a une radicalisation incontestable”, estime le chercheur.

AFP