Nicole Sanquer : “A Here Ia Porinetia baissera impôts et droits de douane”

Nicole Sanquer : "Nous souhaitons également rendre plus simple notre système fiscal et l’ensemble des démarches qui l’accompagnent pour tous ceux qui œuvrent en faveur de la création de richesse".
Nicole Sanquer : "Nous souhaitons également rendre plus simple notre système fiscal et l’ensemble des démarches qui l’accompagnent pour tous ceux qui œuvrent en faveur de la création de richesse". (Photo : Damien Grivois)
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Après le Hau Maohi conduit par Tauhiti Nena et le Tapura huiraatira mené par Edouard Fritch, c’est aujourd’hui au tour du parti A Here Ia Porinetia de Nuihau Laurey et Nicole Sanquer de répondre au questionnaire de La Dépêche. Pour le parti vert, Nicole Sanquer détaille les grandes lignes du programme.

Que propose votre liste face à la hausse des prix ?

La cherté de la vie est le sujet majeur qui préoccupe aujourd’hui l’ensemble des familles polynésiennes depuis la hausse vertigineuse des prix depuis près de deux ans qui affecte en premier lieu le secteur alimentaire mais également celui du logement.

Au lendemain des élections, A Here Ia Porinetia s’engage à proposer à la plus proche séance de l’assemblée de la Polynésie française une loi du pays fiscale qui supprime la TVA Sociale laquelle affecte l’ensemble des secteurs, qui comme on le sait aujourd’hui est antisociale puisqu’elle s’applique à tous sans distinction de charge et revenu et a pour effet de renchérir les effets inflationnistes que nous traversons.

La baisse des prix impose également d’aller plus loin en baissant les impôts et droits de douane car la majorité de nos produits sont importés et impactés également sur les prix CAF qui intègrent les coûts d’assurance et de transport des marchandises. Cette mesure pérenne appliquée aux matériaux de construction fera baisser le coût de la construction du logement.

Pour manger bien et mieux, l’ensemble des Polynésiens doit également pouvoir accéder à une nourriture plus saine et moins chère. Ce qui nous conduit en parallèle à soutenir davantage le développement de nos productions locales lesquelles n’ont pas été suffisamment considérées jusqu’à aujourd’hui, notamment dans le secteur agricole et de la pêche.

Enfin, il faudra également favoriser la venue de nouveaux acteurs économiques pour faire baisser les prix aussi nous favoriser la concurrence car on sait que cela contribue également à contenir les marges excessives dans les secteurs d’activité où les oligopoles ont une tendance naturelle à se former, compte-tenu de la configuration insulaire de notre territoire.

Quelles seraient les priorités de votre politique économique ?

De manière générale, A Here Ia Porinetia s’inscrit en faveur d’un fort soutien au développement économique endogène de notre territoire.

Aussi de manière générale, nous agirons en baissant de manière considérable les impôts des petites entreprises, en relevant le seuil des TPE de 5 millions à 50 millions de francs pour faciliter les déclarations à effectuer et encourager les porteurs de projets et inciter notre jeunesse à entreprendre.

Les conditions d’octroi de la défiscalisation doivent être revues et sont également proposées d’être élargies au bénéfice des PME et pour l’ensemble des secteurs d’activité mais également en faveur de l’investissement dans les archipels éloignés.

Nous souhaitons également rendre plus simple notre système fiscal et l’ensemble des démarches qui l’accompagnent pour tous ceux qui œuvrent en faveur de la création de richesse au quotidien. En supprimant toutes les contraintes inutiles par une simplification significative des formalités administratives qui doivent être plus accessibles pour l’ensemble des usagers des îles en développant la digitalisation.

Ces premières mesures contribuent à libérer et soutenir les initiatives privées qui créent la richesse de notre Pays.

Sur un volet plus social, nous souhaitons également mettre en place et développer l’économie sociale et solidaire en faveur d’une véritable insertion dans tous secteurs porteurs pour que chacun puisse trouver sa place dans le milieu du travail à l’aide de contrat adapté.

Enfin, de manière plus spécifique, nous ouvrirons le débat avec les représentants du Medef et de la FGC sur la production du Livre Blanc et examinons l’ensemble des propositions telle que la place à laisser aux PPN et PGC pour un fléchage plus adapté du soutien public envers ceux qui en ont réellement besoin.

De quelle manière votre liste entend-elle faciliter l’insertion des jeunes sur le marché du travail ?

D’évidence, notre jeunesse souffre depuis ces deux dernières décennies d’une perte de repères, elle doit être mieux accompagnée pour une insertion réussie au sein de notre société, afin d’éviter à ce qu’elle s’expatrie ou parte à la dérive.

Nous avons tous besoin des uns et des autres pour construire la Polynésie de demain, et notamment d’éduquer et former notre jeunesse pour garantir une cohésion sociale qui est rendue nécessaire pour l’équilibre de nos comptes sociaux.

L’écoute de la jeunesse comme du milieu éducatif nous conduisent à proposer une réforme du système éducatif pour que les compétences dont ils disposent soient mieux valorisées et davantage adaptées à nos réalités.

Les méthodes pédagogiques et le contenu de nos programmes scolaires doivent être revus en fonction du profil polynésien, le sport davantage intégré dans les activités quotidiennes, les formations établies en fonction de nos besoins socio-économiques, et le tissu associatif plus soutenu en faveur de leur éducation.

S’agissant plus spécifiquement du marché du travail, A Here Ia Porinetia entend soutenir l’insertion professionnelle par l’exonération des charges sociales de contrats dédiés et soutenir leur intégration dans le cadre de la mise en place de l’ESS qui permettrait à l’entreprise comme au tissu associatif au travers un premier engagement de faire découvrir un domaine d’activité particulier à un jeune en voie d’insertion.

Enfin, nous souhaitons aussi accompagner nos jeunes dans l’accession à la propriété en exonérant les droits d’enregistrement des sorties d’indivision, de baisser les droits d’enregistrements pour les nouvelles acquisitions jusqu’à 50 millions de francs, et d’aménager le foncier public disponible pour le mettre à disposition des jeunes ménages à des prix attractifs.

Quelle politique préconisez-vous en matière de santé et de protection sociale ?

Nous le savons tous, notre système de santé souffre d’un déficit chronique lié au développement des maladies non-transmissibles qui résultent de l’évolution de nos modes de vie, ce qui remet en cause les fondements de notre solidarité intergénérationnelle qui anime notre PSG.

La fiscalité comportementale n’est pas la réponse à tout car il nous faut aussi accompagner le changement des mentalités. Aujourd’hui, personne n’est en mesure de savoir combien nous coûte l’absence de prévention sanitaire.

Aussi, la première mesure qu’A Here Ia Porinetia entend développer est une véritable politique de prévention et d’éducation thérapeutique à la hauteur des enjeux qui s’élèvent en favorisant l’accès à des produits sains à un prix raisonné, en démocratisant l’accès au sport pour tous et à tous les âges.

Et bien évidemment en luttant contre les addictions qui sont néfastes pour notre santé par des mesures de soutien, mais également en faveur des dépistages de l’ensemble des cancers.

Ce n’est seulement qu’à ce prix que nous arriverons à lutter contre le diabète, l’hypertension artérielle, les maladies cardio-vasculaires ainsi que les affections pulmonaires et les tumeurs.

L’accès aux substituts de la nicotine devrait être facilité et vendu à prix coutant aux fumeurs qui souhaitent s’engager dans le sevrage.

Enfin nous soutenons également la réouverture de notre école d’infirmières qui a su déjà faire preuve de son intérêt sur le territoire et répond à un réel besoin de formation si l’on veut véritablement demain soutenir l’emploi de notre jeunesse.

S’agissant de la PSG, la réforme se résume pour l’heure à deux mesures, la TVA sociale et la réforme de la gouvernance, donc tout reste à faire dès lors que la première est proposée à la suppression par quasiment l’ensemble de la classe politique aujourd’hui.

A Here Ia Porinetia propose sa refonte qu’elle conduira cette fois avec l’ensemble des professionnels de santé et des acteurs sociaux et pas uniquement des acteurs institutionnels triés sur le volet pour refondre notre modèle de protection sociale qui doit faire l’objet d’une acceptation de la majorité de notre société au cours de la prochaine mandature.

Il n’est malheureusement pas possible dans le cadre de cette interview de développer l’ensemble des mesures qu’il convient de déployer.

La réforme des retraites en Polynésie française a fixé l’âge de départ à 62 ans. Que propose votre liste sur ce point ?

Les conditions de départ à la retraite liées à l’âge et la durée de cotisations font l’objet des plus âpres débats au niveau national comme territorial. C’est un sujet qui doit être traité dans l’apaisement.

Concernant le report de l’âge de 62 à 64 ans pour les fonctionnaires d’Etat, nous ne soutenons pas la réforme comme les méthodes déployées par le Président Macron en ce qu’elle s’impose sans suffisamment de concertation et réflexion portée sur d’autres hypothèses et va induire sur notre territoire des différences de traitement.

Concernant la question du “et” et du “ou” au niveau territorial, cette mesure induit des différences de traitement selon que l’on est rentré jeune ou moins jeune dans la vie active alors que le niveau de cotisation est identique.

Il y a donc une inégalité de traitement à durée de cotisation égale qu’A Here Ia Porinetia proposera de modifier pour plus d’équité.

Par ailleurs, il nous faudra également reconsidérer le calcul de nos droits à la retraite en fonction de l’évolution de notre société qui, contrairement à hier ,ne nous garantit plus le même emploi à vie.

Aussi, il nous faut repenser notre modèle et nous proposons de le dissocier de la PSG car la retraite est un dû qui résulte du travail de toute une vie.

Quels sont, selon votre liste, les moyens de lutter contre l’échec scolaire ?

Le dernier rapport de performance de la Charte de l’éducation dresse des résultats assez alarmants en matière d’échec scolaire puisque l’éducation fait état d’un défaut d’acquisition et de stabilisation des fondamentaux en français et en mathématiques dès le CP. Et ce, malgré un maintien des personnels et une baisse des effectifs d’élèves, ce qui remet en cause notre système éducatif.

Car le niveau d’apprentissage conditionne la poursuite de la scolarité des enfants bien souvent les plus défavorisés.

Par ailleurs, les moyens alloués au REP+ comme à la MLDS ne sont pas suffisants pour répondre à l’échec comme au décrochage scolaire puisque près de 5% des enfants scolarisés, soit 1 300 élèves, dont 500 du premier degré, quittent le système éducatif chaque année. Parfois pour y revenir plus tard, mais aussi sans aucune qualification. Les résultats du DNB confirment la problématique pour certains élèves d’obtenir un diplôme.

AHIP soutient la persévérance scolaire, et entend revoir les méthodes comme le contenu des enseignements qui doivent être réellement adaptés à notre contexte culturel comme je vous l’indiquais. Mais également s’ouvrir à des expérimentations pédagogiques pour conduire nos enfants vers l’acquisition des connaissances requises et accroitre le niveau d’apprentissage de la lecture, qui permettra l’épanouissement individuel et social si l’on souhaite véritablement une amélioration du niveau des compétences polynésiennes pour une insertion sociale durable.

Que propose votre liste concernant l’héritage du CEP, la loi Morin, le futur “centre de mémoire” ?

Dans le droit fil de l’héritage du CEP, le futur centre de mémoire des essais nucléaires et l’Institut du cancer devraient par reconnaissance, tout comme l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, être financés par l’Etat dès lors qu’il en est à l’origine.

Pour AHIP, cette reconnaissance collective doit être sanctuarisée et non pas uniquement, sur l’aspect moral ou matériel, mais également sur l’aspect financier au sein de notre loi statutaire. Afin que chaque année, les lois de finances ne puissent remettre en cause son montant

Sur le plan individuel, nous souhaitons dépolitiser le fait nucléaire en assurant de manière transparente l’indemnisation des victimes.

Quelle est votre réaction par rapport à la réinscription de la PF sur la liste des territoires non-autonomes de l’ONU ? Votre position sur le droit à l’autodétermination ?

Nous considérons que la Polynésie doit avant tout s’attacher à trouver son modèle de développement économique pour s’assurer de la plus grande autonomie possible, sur le plan de sa propre sécurité alimentaire, de sa capacité énergétique, avant de vouloir coûte que coûte voler de ses propres ailes.

Aujourd’hui, vouloir entrer dans un processus d’autodétermination par idéologie en occultant notre extrême dépendance vis-à-vis de l’extérieur conduirait à un effondrement économique et social que même une partie du Tavini ne conteste plus.

A Here ia Porinetia veut d’abord s’attacher à construire notre autonomie sur tous les plans avant d’interroger notre population sur notre évolution institutionnelle future.