mardi 31 mars 2015
Les orange se préparent à un jeudi noir
Rien ne va plus au Tahoera’a. Dimanche dernier, au soir, Nuihau Laurey et Lana Tetuanui ont officialisé sur Polynésie 1ère ce qui était su depuis plusieurs semaines : leurs candidatures aux élections sénatoriales. Des candidatures dissidentes de celles de Teura Iriti et Vincent Dubois au sein du parti orange.
Hier, Gaston Flosse a évidemment tout de suite réagi aux propos du vice-président. Depuis plusieurs mois, on attendait un dénouement façon Nuit des longs couteaux… Finalement, Gaston Flosse aura choisi la journée des petites missives.
Des courriers ont été adressés par voie d’huissiers à Lana Tetuanui, Nuihau Laurey, Michel Buillard et Teapehu Teahe pour les exclure à titre conservatoire.
Leur sort, et peut-être celui de leurs soutiens, sera décidé lors d’un grand conseil qui sera donné jeudi soir à la résidence de Gaston Flosse. “L’article 38 de nos statuts dispose que des sanctions doivent être envisagées en cas d’infraction aux décisions des instances du Tahoera’a Huiraatira”, rappelle le Vieux Lion. “De plus, vous avez prétendu privilégier l’unité et la stabilité, alors que votre comportement constitue clairement un acte volontaire de division, tout en manquant de respect aux instances du parti, et notamment aux membres du grand conseil, ainsi qu’à nos nombreux militants. Par conséquent, compte tenu de l’urgence et de la gravité de votre comportement qui vise à remettre en cause une décision du grand conseil et qui porte atteinte sciemment aux intérêts du parti, je me vois contraint de prononcer à votre encontre votre exclusion du parti Tahoera’a Huiraatira, et ce, à titre conservatoire.”
La purge commence donc au sein du parti. Les élus proches d’Édouard Fritch, qui ont déjà reçu leur convocation pour ce grand conseil, se réservent pour l’heure de dire s’ils viendront s’opposer à cette exclusion. Toutes les hypothèses sont désormais ouvertes. Démissions massives, chaises vides lors de ce grand conseil, ou tout simplement attente que le chef décide lui-même des têtes à couper et de celles à protéger.
La liste des élus et des cadres qui soutiennent les candidatures dissidentes au parti est longue. Édouard Fritch, Nicole Sanquer, Jacquie Graffe, Jean-Christophe Bouissou, Maina Sage, Virginie Bruant, René Temeharo, Moehau Teriitahi, Tearii Alpha… Des ministres, des élus, des maires… Certes, ils représentent une poignée des 700 grands électeurs qui sont convoqués aux urnes pour les sénatoriales le 3 mai, mais Gaston Flosse, par son acharnement à ne pas vouloir laisser quelqu’un d’autre que lui diriger ce pays, en perd un peu plus chaque jour.
Aujourd’hui, le Vieux Lion brandit un Tahoera’a et un grand conseil qui lui sont favorables. Forcément, c’est lui qui choisit ceux qui les composent. Mais derrière cet écran de fumée, la question de la légitimité de Gaston Flosse au sein du parti qu’il a créé se pose. Inéligible, traînant toujours derrière lui les casseroles du SED, de l’affaire Haddad ou de la vaisselle de la présidence, vieillissant aussi, Gaston Flosse se prépare une fois encore à pratiquer la politique de la terre brûlée autour de lui pour reconstruire un parti à son image.
Un jeudi dangereux à l’assemblée aussi
Mais jeudi, l’actualité politique ne se jouera pas uniquement au pied de la piscine de Erima. Le matin, à l’assemblée, la délibération autorisant le Pays à signer la convention avec l’État sur le retour au financement partiel par l’État du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) sera aussi étudiée.
Alors qu’il n’est question que de donner son aval, ou son refus, sur cette convention, les élus pro-Flosse ont, selon le vice-président, outrepassé leurs prérogatives en déposant des amendements sur la convention elle-même au cours de la séance de la commission budgétaire de vendredi dernier. “Cette séance va être très compliquée”, expliquait, hier, Nuihau Laurey. “Les amendements déposés invalident totalement le texte. L’assemblée doit juste dire oui ou non à cette convention. Elle n’a pas le pouvoir de la modifier.”
Pourtant, des points clés ont été modifiés, vendredi dernier, devant ou parfois même dans le dos de Patrick Howell, ministre de la Santé venu défendre le dossier. “Ce que demandent les élus, c’est l’argent de l’État sans s’engager dans la réforme du RSPF. D’une part, sur le plan juridique, c’est complètement contraire à l’esprit même de la délibération, d’autre part, l’État ne signera pas une telle convention amendée”, ajoute Nuihau Laurey.
L’enjeu pour le Pays, ce sont 2,1 milliards de francs qui permettront d’équilibrer le RSPF sur l’exercice 2015.
Hier encore, il était difficile de dire ce que l’assemblée décidera jeudi. Comme nous l’écrivions, la convention cadre sur le retour de l’État au financement du RSPF risque de se voir, une fois encore, prise en otage des conflits au sein du Tahoera’a.
Peu importe quel sera le vainqueur, au final, c’est la population qui trinque.
Bertrand Prévost
Lire aussi dans La Dépêche de Tahiti de mardi 31 mars ou au feuilletage numérique Les réactions de Michel Buillard, Lana Tetuanui et l’interview de Nuihau Laurey : « Mon engagement politique n’est pas celui d’un pot de fleurs »