Temaru et Géros veulent “recadrer” Darmanin et les élus marquisiens

Oscar Temaru a très peu apprécié les remarques de Gérald Darmanin invitant la population polynésienne à d’abord penser à son autonomie alimentaire et économique avant de réclamer une pleine souveraineté politique. (Photo : Damien Grivois/LDT)
Oscar Temaru a très peu apprécié les remarques de Gérald Darmanin invitant la population polynésienne à d’abord penser à son autonomie alimentaire et économique avant de réclamer une pleine souveraineté politique. (Photo : Damien Grivois/LDT)
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“Juste une mise au point”. Le leader du Tavini huiraatiraa, Oscar Temaru, accompagné du président de l’assemblée Antony Géros, du militant historique Vito Maamaatuaiahutapu ainsi que de représentants élus parmi lesquels Heinui Le Caill, Allen Salmon ou encore Marielle Kohumoetini a rencontré la presse vendredi matin à Faa’a pour un exercice qu’il affectionne : “renvoyer dans ses 22 mètres” un représentant du gouvernement central.

En l’espèce le ministre de l’Intérieur et des Outremer, Gérald Darmanin, actuellement présent en Polynésie française pour une mission de quatre jours aux îles du Vent, Marquises et Tuamotu. Le chef historique du parti indépendantiste a très peu apprécié, et il tient à le faire savoir, les remarques de Gérald Darmanin invitant la population polynésienne à d’abord penser à son autonomie alimentaire et économique avant de réclamer une pleine souveraineté politique.

“Avec la même logique“, à la suite des conflits mondiaux, “la France serait allemande aujourd’hui” croit pouvoir affirmer le maire de Faa’a qui estime, toujours dans la demi-mesure, que la Polynésie, pour la France, “c’est comme l’Afrique”.

Oscar Temaru décline son message préféré, celui des démarches entreprises auprès de l’ONU pour la décolonisation, quand bien même cette question n’a volontairement pas été centrale dans la campagne du Tavini aux dernières Territoriales. “Recadrage idéologique” de l’exécutif conduit par Moetai Brotherson ? Oscar Temaru et Antony Géros s’en défendent vigoureusement et assurent que “tout va bien” dans la famille Tavini.

“Soutien total” à Moetai Brotherson

D’ailleurs, il affirment apporter un “soutien total” au nouveau président du Pays, “qui a  bien fait de supprimer la taxe dite TVA sociale”, l’une des promesse de campagne du camp bleu ciel.

En résumé, les menaces d’inéligibilité consécutives à la présentation de comptes jugés incomplets, c’est – comme d’habitude – un complot de l’Etat (“Paris va-t-il de la même manière vérifier les comptes du Tapura ?” s’interroge Antony Géros).

Et les rumeurs de dissensions au sein de la majorité, des fantasmes de la presse. 

“En vérité, sans la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, la France n’est rien du tout !” affirme le maire de Faa’a, qui reproche à Paris de “n’avoir jamais accepté la réinscription en 2013 de la Polynésie française sur les liste des territoires non-autonomes de l’ONU”. Et pourtant, en tant que membre à part entière de l’organisation et même membre du Conseil de sécurité qui regroupe les principales puissances nucléaires, Oscar Temaru considère que “la France devrait respecter l’ONU et ses décisions, notamment lorsqu’elles réaffirment le droit de souveraineté du peuple polynésien sur l’ensemble de ses ressources.” Y compris sous-marines, pour suivre Oscar Temaru du regard, puisqu’il lorgne sur les nodules polymétalliques et redoute que l’Etat veuille s’emparer du pactole…

La “mise au point” d’Oscar Temaru pourrait malgré tout prendre la forme d’un message quasi-subliminal concernant la question si sensible, et si clivante dans la famille indépendantiste, du calendrier de l’accession à la souveraineté.

Moetai Brotherson, avant et après son élection à la tête du Pays, a répété qu’il valait mieux prendre son temps. “Paris a joué avec le temps en Nouvelle-Calédonie et avec Jean-Marie Tjibaou” alerte toutefois le tavana de Faa’a, confirmant ainsi qu’il ne s’inscrit lui-même en rien dans la logique d’un processus à la calédonienne entamé voici plus de 30 ans. Le leader du Tavini, qui espère que Paris va “enfin cesser sa politique de la chaise vide” à New York, répète sa volonté de voir émerger des “Etats fédérés de Maohi Nui”. A ses côtés, le président de l’assemblée, Antony Géros, confirme sa volonté de créer à Tarahoi une nouvelle commission sur la décolonisation pour préparer les débats à l’ONU.

D.G.

Quand le Tavini fustige la colonisation “des Catholiques”

Marielle Kohumoetini, élue Tavini à Tarahoi (à droite sur la photo) : “Le programme des hakaiki, j’appelle ça du néo-colonialisme”. (Photo : Damien Grivois/LDT)

La représentante Tavini Marielle Kohumetini, appuyée par Oscar Temaru et Antony Géros, a de son côté fait la leçon aux élus marquisiens, “téléguidés” par Paris selon elle, puisqu’ils envisagent selon le Tavini un rattachement direct de l’archipel à la République française.

Insupportable pour le Tavini qui veut défendre l’unité du territoire polynésien, et notamment son projet déjà ancien d’implantation d’un aéroport international à Nuku Hiva, “à deux heures de Hawaii”. Par le passé, le Tavini avait même proposé un aéroport international dans chaque archipel !

Selon Marielle Kohumetini, “comme 80% des Marquisiens”, les hakaiki “ne connaissent pas l’histoire de leur archipel”. Et Antony Géros d’ajouter : “Dupetit-Thouars n’a pas annexé les Marquises, il en a pris possession, ça n’est pas pareil.”

Selon le Tavini, l’une des raisons de l’aveuglement des hakaiki de la Terre des hommes repose sur le fait que l’archipel a vécu la colonisation catholique, jugée bien pire – et ça ne manque pas de saveur venant d’élus ouvertement catholiques comme Temaru ou Géros -, que la colonisation protestante. “D’ailleurs les Marquises, ca n’est pas à nous ce nom-là” s’indigne la représentante Tavini, qui refuse que “six maires décident de l’avenir de la population” et “supplie son peuple” de se réveiller…
D.G.