Karel Luciani : “Stop à la souffrance !”

Karel Luciani est le président de l'association Cousins Cousines de Tahiti.
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La première Tahiti Pride Week sera organisée du lundi 13 au dimanche 19 février. L’association Cousins Cousines de Tahiti qui défend la dignité et les droits de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) est à l’origine de cet événement. Pour son président Karel Luciani, il est temps que les mentalités évoluent car trop de jeunes sont en souffrance. 

Les difficultés de la communauté LGTB ne sont pas une question en Polynésie” se désole Karel Luciani, le président de l’association Cousins Cousines de Tahiti. Il fait le constat qu’en 2023, les soutiens affichés sont rares voire inexistants. “Lorsque nous demandons des aides, nous n’entrons jamais dans aucun critère.” Pourtant, il s’agit bien de personnes en détresse, de souffrance mentale, qui concerne souvent des enfants comme nous l’explique Karel. 

Le travail d’activiste est fastidieux mais ce que les gens oublient, c’est qu’il y a de la souffrance. L’enfant qui se sent différent souffre et porte en lui déjà un trauma. Il y a de la maltraitance sur l’enfant qui n’est pas pris en compte dans sa différence. Il faut qu’il puisse trouver un entourage, une oreille qui l’aide à se construire.”

Trois à quatre suicides par an

On me dit qu’il ne faut pas aller plus vite que la machine mais lorsque j’apprends qu’un jeune s’est suicidé, c’est dramatique, et j’en ai 3 à 4 par an ! Dans la société polynésienne, le rarerae ou le mahu est accepté socialement mais rarement dans sa famille. Ce sont des vies gâchées. ” Et les jeunes, chassés de chez eux se retrouvent souvent à la rue.

J’ai le cas récent d’une jeune fille de 18 ans, lesbienne, qui a été jeté de chez elle, elle ne peut pas poursuivre ses études ; un couple de jeunes femmes dans les îles a été séparé, l’une d’elle s’est pendue… Cela suffit, il est temps d’avancer, nous ne sommes pas des tares. Nous ne sommes pas là pour détruire les valeurs ! Il faut que cette souffrance cesse !” poursuit Karel.

Si les aides sont difficiles à obtenir, l’association bénéficie toutefois depuis 2019 d’une aide annuelle de l’Etat conditionnée à un projet. Une subvention qui a fait suite à un rapport alarmant de la situation des LGBT en outre-mer et à la création de la Délégation interministérielle de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie. 

“Nous avons besoin d’un refuge pour les personnes jetées à la rue – pas moins de 5 l’année dernière connues de l’association – Nous avons un local mais c’est un lieu temporaire… Sinon, nous avons pu réaliser des affiches de sensibilisation en accord avec l’éducation nationale mais nous attendons notre accréditation pour intervenir dans les établissements… En métropole, les professeurs travaillent avec leurs élèves sur la journée du 17 mai contre l’homophobie” explique le président de Cousins Cousines. Pour lui, la Polynésie est encore trop frileuse et ne permet pas à la population qu’il défend de s’épanouir. “On nous fait croire que l’homosexualité est accepté mais il faut ce cacher, le PACS n’est pas applicable dans le Pays, la transition des personnes transgenres n’est pas accompagnée…”.

Karel Luciani souhaite notamment un investissement plus fort contre l’homophobie dans les établissements scolaires polynésiens.

Il reconnaît toutefois des avancées notamment avec le mariage pour tous désormais validé et célébré avec bienveillance dans les mairies. Grâce aussi aux réseaux sociaux qui mettent en avant des LGTB qui s’assument. 

“Mais nous avons besoin de tout le monde pour faire progresser les mentalités” dit-il. 

La Tahiti Pride Week est organisée dans ce sens. L’association a prévu des projections et des animations mais chacun est invité à participer à sa manière. Les restaurants, les hôtels et autres établissements commerciaux ou non sont appelés à afficher les couleurs arc-en-ciel sur le thème de la liberté, de l’amour et de la différence.

Des t-shirts seront vendus durant l’évènement, une partie de la somme récoltée sera reversée à une association qui lutte contre la dépénalisation de l’homosexualité aux îles Cook.

Soutien de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande

Nous voulions mettre en place quelque chose qui ressemble au mois des fiertés célébré en juin dans l’hémisphère nord et en février dans l’hémisphère sud. En Australie, cela se passe du 12 février au 4 mars avec une parade. La Sydney World Pride est rattaché à une conférence de trois jours sur les Droits humains ou je suis invité comme conférencier. Je porterai la voix des pays du Pacifique pour la dépénalisation de l’homosexualité. 7 pays océaniens condamnent encore l’homosexualité. 

Nous nous sommes rapprochés aussi de la Nouvelle-Zélande dont le gouvernement soutient la Auckland Pride ; l’année dernière nous avons touché une subvention du consulat dont la représentante est venue nous rendre visite. 

La première Auckland Pride avait démarré par une semaine de manifestation donc je me suis dit qu’on pouvait faire la même chose avec quelques actions à mettre en place du 13 au 19 février. 

Nous ne sommes pas encore suffisamment structuré pour organiser une parade mais elle verra peut-être le jour l’année prochaine.”

Le programme