Photographie, emploi et handicap : les objectifs de Hoani Pouguet

Hoani Pouguet a couvert les cinq jours de compétition du Taiarapu-Ouest Horue Festival 2023, entre fin juin et début juillet (Photo : ACL/LDT).
Temps de lecture : 3 min.

Solaire et déterminée. C’est ainsi qu’on pourrait décrire Hoani Pouguet, résidente de Vairao, originaire de Moorea. Née d’une mère chinoise et tahitienne et d’un père pyrénéen, la jeune femme de 25 ans évoque d’emblée sa singularité : “J’ai une trisomie 21 en mosaïque. J’ai tout appris plus tard, à marcher et à parler, mais j’ai fini par y arriver”. Si la vie n’a pas été tendre avec elle, le regard des autres s’est révélé encore plus difficile à vivre : tout au long de sa scolarité, sa différence lui a valu de subir des insultes et du harcèlement, jusqu’au racket. Bodyboard, randonnée, musculation, la pratique du sport l’a aidée à reprendre confiance en elle.

Surf et photo en duo avec son frère

Malgré les épreuves, Hoani Pouguet souhaite aller de l’avant. Depuis un peu plus d’un an, sa passion pour la photographie est une bouffée d’oxygène. “J’ai commencé avec mon téléphone, puis la patronne de mon père m’a offert un appareil photo d’occasion”, se souvient-elle. Outre les portraits et la nature, le surf occupe une place importante pour elle, inspirée par les professionnels du secteur, tels que Tim McKenna, Léa Hahn et Manea Fabisch, mais aussi par son petit frère, Ro’o Pouguet-Temaurioraa.

“Il a 12 ans et il a participé à sa première compétition à Papeno’o, puis à Papara, et récemment à Vairao, lors du Taiarapu-Ouest Horue Festival, où il est arrivé deuxième chez les benjamins. Depuis le début, je le suis et je suis très fière de lui ! On forme une belle équipe en vivant chacun notre passion. Comme le Tahiti Iti Surf Club, où il s’est licencié, n’avait pas de photographe, j’ai eu cette opportunité. Ça me fait plaisir de partager ma passion. J’ai couvert les cinq jours de compétition et j’ai eu beaucoup de retour des surfeurs qui m’ont demandé leurs photos et m’ont remerciée. La reconnaissance des gens, ça me fait beaucoup de bien. Et quand je suis au reef, je suis dans un autre monde, je me sens à l’aise, en connexion avec la nature. Alors, merci à toutes les personnes qui m’encouragent sur cette voie. Vivement la prochaine compétition !”, glisse la jeune femme, quant à cette belle expérience.

“Nous, personnes handicapées, on mérite aussi d’avoir un métier”

Si les galeries de sa page Facebook sont déjà bien remplies, la jeune photographe rêve d’en faire son métier, idéalement à son compte. Mais le matériel très coûteux la freine dans son élan. Son rêve : avoir un caisson étanche pour pouvoir rejoindre son frère dans l’eau. En attendant de pouvoir investir dans de nouveaux outils photographiques, Hoani Pouguet vit sa passion sur son temps libre.

En semaine, elle officie à la mairie de Vairao dans le cadre d’un troisième Stage d’insertion travailleur handicapé (SITH) de six mois, après avoir exercé dans deux entreprises commerciales de Papeete.

Professionnellement, l’avenir est loin d’être serein pour la jeune femme, qui cherche un emploi à long terme. “Nous, personnes handicapées, on mérite aussi d’avoir un métier. Il y a des entreprises qui préfèrent payer une amende plutôt que de nous embaucher. J’aimerais que ça change pour enfin avoir un travail stable et me sentir acceptée”, conclut tout simplement la jeune femme, entre force et sensibilité.

Bruno Pouguet, son père :

“Elle est super courageuse”

“Je suis très fier de Hoani, parce qu’elle est super courageuse. Elle a eu un parcours difficile. Je me suis battu pour qu’elle puisse suivre un cursus scolaire normal, jusqu’en CAP Service hôtellerie au lycée hôtelier. Même en stage d’insertion, on ne la pousse pas forcément à faire mieux. Il y a des moments où elle s’ennuie, alors qu’elle ne demande qu’à apprendre et à être utile. Ça fait peut-être peur aux employeurs, alors qu’elle est complètement capable. Elle adore aider et communiquer : ce sont ses atouts. En accueil, elle serait très bien, par exemple. Mais c’est difficile de trouver des entreprises prête à embaucher des personnes handicapées. Et les années passent… Il y a sa passion pour la photo : je l’aide du mieux que je peux, mais le matériel est très cher. Je lui ai toujours dit : elle a l’œil pour capter le bon moment. Elle est heureuse et elle s’épanouit. C’est vraiment son élément”.